Sibelius : Symphonie n°6 en ré mineur op 104

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L'Orchestre Philharmonique de Radio France interprète la Symphonie n°6 en ré mineur op 104 de Jean Sibelius sous la direction de Mikko Franck. Concert enregistré le 12 avril 2024 à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique.

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Quand Sibelius compose sa Symphonie n° 5, il invente du matériau qu’il transférera dans la symphonie suivante. À l’écoute des deux œuvres, on peine pourtant à imaginer leurs liens de parenté. Rien de spectaculaire ni d’héroïque dans la nouvelle partition, mais des teintes jouant sur le dégradé, un discours fluide et dépourvu de contrastes accusés, des sonorités transparentes et souvent pastorales dans lesquelles s’immiscent toutefois quelques ombres. « La Sixième Symphonie me rappelle toujours l’odeur de la première neige », confiera Sibelius en 1943. L’effectif comprend une harpe (pour la première fois depuis la Symphonie n° 1) et une clarinette basse qui apporte des nuances inédites au groupe des bois, sans pour autant alourdir la texture (aucune autre symphonie de Sibelius ne fait appel à cet instrument). L’utilisation abondante du mode dorien (ré-mi-fa-sol-la-si-do-ré) suggère un souvenir de la musique de la Renaissance et du fonds populaire finlandais, lequel pourrait être aussi à l’origine de certains contours mélodiques et profils rythmiques.

La structure en quatre mouvements ne renoue avec la tradition qu’en apparence, car les quatre volets adoptent une forme « complètement libre » : « aucun ne suit un modèle ordinaire de sonate », souligne le compositeur. Les noyaux thématiques soumis à des techniques de croissance organique présentent ici la particularité de ne pas imposer clairement leur identité : l’auditeur qui écoute la Symphonie n° 5 garde aisément en mémoire « l’hymne des cygnes », tandis qu’il retient plus difficilement les motifs de la Symphonie n° 6. En sus d’éléments thématiques brefs qui semblent toujours en devenir, l’œuvre repose sur une délicate écriture contrapuntique, comme au début du premier mouvement (autre héritage de la Renaissance,) ou sur la superposition de plusieurs couches. Chacune possède son matériau et sa propre vitesse, ce qui permet de fascinants changements de perspective : lorsqu’un élément en valeurs brèves, joué au départ en fond sonore, passe au premier plan, il donne la sensation d’une accélération alors que le tempo reste stable. La liberté rythmique est d’ailleurs l’une des qualités les plus remarquables de cette œuvre, où l’on a parfois l’impression d’une absence de barre de mesure.

Contrairement à la Symphonie n° 5, dont les deux mouvements rapides étaient dotés d’une conclusion éclatante, trois mouvements de la Sixième terminent discrètement, sans rien d’affirmatif (le Poco vivace, en troisième position, fait exception). À l’issue du finale, qui comprend les épisodes les plus sombres et les plus tendus, le tempo lent de la coda apaise sans complètement rasséréner. « La rage et la passion […] y sont tout à fait essentielles,